W'llayan Vhuh

e n'est pas une spéculation ordinnaire:



Ce n'est pas le genre de question qu'elle se serait aventurée à poser à haute voix. Trop subjective, trop impersonnelle et un brin mélodramatique. Mais son souffle affolé en est le murmure obstiné qui résonne dans sa poitrine comme une obscure vérité.
Alors oui, je vous l'accorde, cette question n'est pas réellement de circonstance. Surfaite, si on y réfléchit bien. Après tout, si la vie en Eorzéa était un long fleuve tranquille, ça se saurait.
Mais là, allongée au fond de ces fourrés, W'llayan avait la désagréable impression de s'être fait rouler dessus si ce n'est plus. Ce n'était qu'une question de volonté pourtant. Une des qualités les plus essentielles de tous combattants qui se respecte selon les croyances populaires. A croire que pour ça aussi, son opinion divergeait. Car pour s'obstiner à rester dans cette foutue forêt, le courage ne suffisait pas, il fallait être totalement cinglé.
Ou vouloir quelque chose, tout du moins. Le désirer tellement fort, s'acharner l'atteindre à tel point que notre vision du vrai et du faux s'en trouvait altéré.

Recommence.

Alors oui, elle se relevait. Esquivait, feintait, frappait. Courrait vers son arc. L'attrapait et encochait sa flèche. Lente. Beaucoup trop lente. Le retour n'en était que plus dur. Alors elle recommençait. Au rythme du bon vouloir de son entraîneur.  Plus il l'amochait, plus elle essayait de l'amocher. Et lorsqu'elle avait l'impression d'être sur le point de mourir, elle se relevait. Car le temps était tout ce qu'elle n'avait pas. Et ce travail, aussi peu recommandable soit-il, demeurait le seul lien qu'elle puisse espérer établir avec son frère. En soit, la vérité n'était qu'une indicible fatalité: Elle devait tenir. Parce qu'elle n'avait pas le temps de se poser des questions.
Car plonger dans le doute serait réfléchir, tout comme réfléchir deviendrait un synonyme de ressentir.
Et dans les temps à venir, vivre anesthésiée allait devenir une nécessitée.

C'était le genre de certitude qu'elle cultivait au rythme des estafilades qui se creusaient  sur ses avant bras: C'est un chemin sinueux, aimait-il affirmer. C'est une course vers la perfection que tu n'atteindras sans doute jamais mais vers laquelle je te pousserai un peu plus chaque jours. Il te faudra t'effondrer pour que je puisse te reconstruire, abandonner toute volonté pour que tes désirs deviennent quantité négligeable. Oublis ce en quoi tu crois et qui tu étais, là où tu vas tu n'en auras besoin.

Mais il n'y était pas arrivé, à la détruire.
Elle espérait sincèrement qu'il n'y était pas arrivé.

ssise sur un tas d'étoffe défraichies, la corde de son arc ramenée contre sa joue, W'llayan observait les déambulations de la foule en contre bas.

A ses côtés le vieux Ald s'alluma une énième cigarette, la deuxième de la soirée. Et la meilleure, à n'en pas douter. Son regard se posait tantôt sur le visage juvénile, tantôt sur l'arc de petite taille avant qu'un reniflement amusé élargisse ses narines. Le filtre de vie ne manquait pas de glisser entre ses lèvres, avant qu'il ne tapote le manche de sa dague, trois fois, puis le cuir de son sac à dos, deux fois. C'était un manège récurrent qu'elle avait constaté après la première nuit passée en sa compagnie. Un tic insupportable qui rythmait désespérément leurs longues journées de surveillances. Jusque'à ce qu'il se décide à ouvrir la bouche. A parler en espérant obtenir des réponses. Réponses qu'elle n'avait jamais daignée lui accorder.

- Allons gamine, fais pas ta précieuse et discutons un peu. Ca fait des plombes qu'on est là, à force je vais finir par me croire muette.

Les yeux verts cillèrent, avant de se fermer brièvement et de se rouvrir pour se poser sur la fenêtre.
La même depuis près de cinq soleils.

- Dix huit. Je ne suis pas une gamine.

Un sourire amusé étira les lèvres de l'hyurois avant qu'il ne s'étire et tapote sa dague, trois fois. Encore. Puis le cuir de son sac, deux fois.
La demoiselle roula des yeux en couchant ses oreilles, elle avait les lèvres sèches et la voix rauque.  Mais tout d'un coup, parler semblait être une nécessité et non pas superflu. Tout, plutôt que de supporter un énième silence ponctué de ces tics insupportables.

- Ah bah enfin, tu vois bien que je vais pas te manger. Je suis même plutôt sympa après quelques verres.  T'es bien une élève de ce connard de Vaniel, tellement coincée qu'on aurait put lui enfoncer un balais dans l'cul sans qu'il ne sente la différence.

L'image qui lui traversa brièvement l'esprit lui arracha un sourire narquois. Vaniel était un connard sadique. Un enfoiré qui s'était amusé à la brisé en deux puis à la modeler comme il le souhaitait. Recommence était sans doutes le mot qu'elle avait le plus entendu venant de lui en neuf lunes de formations.
Recommence jusqu'à ce que ce soit parfait.

- Peut-être, je ne me suis jamais intéressée à son séant.
- T'as rien louper, c'est tellement plat qu'on a l'impression qu'il l'a laissé chez lui. Mais dis moi plutôt, c'est jeune dix huit ans pour être hors des formations. 'Fin, j'en sais rien. C'est pas le genre du patron de foutre n'importe qui sur ses missions.
- Possible.
- Et ben, t'parles pas beaucoup. T'es sûr que  tu traines pas souvent avec lui, le Vaniel? Ca fait une blinde qu'on ne l'a pas vu d'ailleurs.
- Certaine.

Un soupir las, un regard sur ses mains tremblantes et elle abaisse son arc avant de s'étirer longuement. Un reniflement amusé.
Tapotements, trois fois.
Tapotements, deux fois.

- Ah les formations! Longue histoire hein. Rhalgr sait que ces bâtards n'ont aucune patience et qu'il préfère te briser une jambe plutôt que de t'expliquer les choses calmement. Mais parfois t'as des liens qui se créent. Par le physique ou par les jolis pièces.

Ses oreilles s'agitèrent doucement. Il est vrai que Vaniel était un bel homme, un connard sadique mais un bel homme. Bien qu'elle s'accorde plus facilement à lui cracher au visage plutôt qu'entretenir une conversation poli à son encontre.

- Si tu le dis, tu as l'air de t'y connaitre en la matière.

Et d'être curieux, horriblement curieux. Et obsédé par les instructeurs. C'est tout du moins une affirmation qu'il ne dénia pas, il eut même l'audace d'éclater d'un rire relativement sonore. Un son purement mâle et indéniablement satisfait. Il semblait en avoir eu des coucheries volatiles, le vieux Ald. Reste à savoir si elles s'étaient déroulés avec un homme ou avec une femme. A son sens, il semblait bien trop intéressé par Vaniel pour que cette obsession soit naturelle.

- J'avais la chance d'avoir une femme particulièrement entreprenante au cours de ma formation.
- Tu m'en diras tant.
- Allons Vhuh, fais pas ta sainte je suis sûre que t'y a goûtée au moins une fois avec ce connard de Vaniel. Il te l'a mise longue et dure ou t'as préféré mordre ses lèvres? A moins que ça ne soit l'inverse.
- J'vais te cogner.

L'injonction était sortie d'elle même, claquant dans l'air comme un coup de tonnerre.
Et sans doute qu'elle l'aurait fait,